Michaël Denard, danseur magnétique, est mort

Michaël Denard, danseur magnétique, est mort

L’une des figures inoubliables du spectacle vivant, avec trente-cinq ans de présence sur la scène de l’Opéra de Paris, s’est éteinte le 17 février, à l’âge de 78 ans.

Par Publié aujourd’hui à 11h55, mis à jour à 12h50

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Le danseur Michaël Denard, à Paris, le 12 mars 1974.
Le danseur Michaël Denard, à Paris, le 12 mars 1974. AFP

Les images magnétiques de Michaël Denard, danseur étoile de l’Opéra national de Paris, et les déclarations enflammées d’artistes ont illuminé les réseaux lors de l’annonce de sa mort, vendredi 17 février, à l’hôpital Bretonneau, à Paris. Interprète de haute intensité, également comédien, directeur de compagnie et pédagogue, il avait 78 ans et souffrait d’un cancer généralisé. « Sa beauté astrale et sa personnalité de feu, à l’image de L’Oiseau de Béjart, nous ont tant inspirés, déclarait l’étoile Germain Louvet sur son compte Instagram. C’est un honneur de vous avoir rencontré. » Tandis que la danseuse Agnès Letestu évoquait « son regard bleu perçant, son enthousiasme, ses iconiques collants de laine colorés généreusement tricotés et offerts à tous, ses petits mots complices et bienveillants pour chaque danseur, toutes générations confondues ».

Avec trente-cinq ans de présence sur la scène de l’Opéra de Paris, Michaël Denard, né en 1944, à Dresde (Allemagne), d’un père français et d’une mère allemande, reste une figure inoubliable du spectacle vivant. C’est pour lui qu’en 1970 Maurice Béjart créa L’Oiseau de feu,sur la musique d’Igor Stravinsky. En académique rouge, il transperçait l’espace de gestes vifs et anguleux, incarnant ce phénix renaissant de ses cendres et cette figure révolutionnaire désirée par le chorégraphe. Sur les photos et films de lui dans cette pièce profondément insolite, il vibre d’une limpidité technique et d’une puissance ensorcelante. « Il était suivi par un public de fans et attendu comme une rockstar », se souvient Brigitte Lefèvre, directrice de la danse à l’Opéra de Paris de 1995 à 2014.

Venu tard à la danse, Michaël Denard prend ses premiers cours à l’âge de 18 ans, à Tarbes, et se retrouve vite engagé dans le corps de ballet de l’Opéra, en 1965. Quatre ans plus tard, il est promu premier danseur de la compagnie et est couronné étoile en 1971. Dans le cadre de l’institution parisienne, il explose dans tous les registres. Il se révèle plus que parfait en prince de conte de fées pour Le Lac des cygnes, Giselle ou La Sylphide auprès de Ghislaine Thesmar, plus qu’impeccable dans les pièces signées Alvin Ailey, Alwin Nikolais ou Merce Cunningham. George Balanchine, maître d’un néoclassicisme à l’américaine, lui taille sur mesure Orphée et Eurydice, sur la musique de Gluck, en 1973.

C’est dire l’amplitude de son talent d’interprète prêt à ne faire qu’une bouchée, avec grâce et gourmandise, de toutes les bascules esthétiques. « Il était non seulement solaire dans sa danse et d’une élégance irréprochable, mais honnête, jamais méchant, négatif ou courtisan,se rappelle Claude de Vulpian, étoile de l’Opéra. On s’amusait beaucoup aussi dans le travail, ce qui ne gâche rien. »

« Un partenaire attentionné »

Curieux, passionné par le théâtre, Michaël Denard collabore avec nombre de troupes et de personnalités. Parallèlement à l’Opéra national de Paris, dès les années 1970 il travaille notamment avec le Théâtre du Silence, dirigé par Jacques Garnier et Brigitte Lefèvre, qu’il rencontre dans l’institution parisienne. En 1971, Brigitte Lefèvre chorégraphie son premier ballet, un trio intitulé Microcosmos, sur la musique de Béla Bartok, où l’on retrouve Denard, Garnier et elle-même. La pièce est présentée en 1974 dans la Cour d’honneur du Palais des papes, à l’enseigne du Festival d’Avignon.

Amy Swanson, chorégraphe et danseuse : « Il reste aujourd’hui encore une source d’inspiration permanente pour moi et pour nombre d’artistes »

« Nous étions très amis depuis le milieu des années 1960 et le sommes restés jusqu’à sa mort, confie la chorégraphe. Nous partions en tournée ensemble et c’était toujours très joyeux. Quoi qu’il interprète, il irradiait le ciel, l’espace. » « Il était un partenaire généreux et attentionné, se souvient Amy Swanson, qui joua avec lui dans Le Journal d’un fou, de Gogol, mis en scène par Alain Marty, en 1987. Il reste aujourd’hui encore une source d’inspiration permanente pour moi et pour nombre d’artistes. »

Après ses adieux à l’Opéra de Paris en 1989, Michaël Denard accepte le poste de directeur du Ballet du Staatsoper de Berlin, de 1993 à 1996. Il enseigne au Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris ainsi qu’à l’Opéra de Paris. On le revoit sur le plateau du Palais Garnier dans La Dame aux camélias, de John Neumeier, en 2013, puis dans Peau d’âne, d’Emilio Sagi, en 2018, au Théâtre Marigny, à Paris. Ultime apparition scintillante d’un homme à l’élan artistique inentamé.

Michaël Denard en quelques dates

5 novembre 1944 Naissance à Dresde (Allemagne)

1970 « L’Oiseau de feu », de Maurice Béjart

1993-1996 Direction du Ballet du Staatsoper de Berlin

17 février 2023 Mort à Paris

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