Ca les fais  rire le suicide de lucas Suicide de Lucas : l’enquête administrative relancée après des mois de silence et de mensonges

DISCRIMINATIONS Suicide de Lucas : l’enquête administrative relancée après des mois de silence et de mensonges 17 mai 2024 | Par David Perrotin Plus d’un an après le suicide de Lucas, 13 ans, Nicole Belloubet va, selon nos informations, relancer l’enquête administrative, discrètement abandonnée. Mis en cause dans cette affaire, Gabriel Attal refuse de s’expliquer publiquement, mais charge son prédécesseur, Pap Ndiaye, en privé. Vendredi 17 mai, la mère de Lucas a été reçue par Nicole Belloubet, au sein du ministère de l’éducation nationale. C’était l’occasion pour Séverine d’évoquer le suicide de son fils, 13 ans, en janvier 2023, victime de harcèlement homophobe au sein de son collège d’Épinal (Vosges) et d’aborder le combat qu’elle mène désormais avec son association pour lutter contre le harcèlement.  Mais ce rendez-vous n’a rien à voir avec la journée internationale de lutte contre les LGBTphobies. Il n’a rien non plus d’une invitation spontanée. Cela faisait des mois que Séverine implorait le gouvernement pour obtenir un entretien.  Cela fait aussi des mois qu’elle interpelle l’exécutif pour obtenir une réponse à cette question : pourquoi l’enquête administrative annoncée après la mort de son fils n’a-t-elle jamais été lancée ?  Séverine, la mère de Lucas, lors d’un rassemblement à Épinal, le 5 février 2023. © Photo Jean-Christophe Verhaegen / AFP Cette question, Mediapart ne cesse aussi de la poser depuis décembre dernier. À cette époque, nous révélions que l’enquête judiciaire avait été totalement bâclée et que très peu d’auditions avaient été menées. Le chef d’établissement a même refusé d’être entendu par la police alors que des documents internes montrent qu’il minimise totalement l’homophobie dont a été victime Lucas, et qu’il défend les élèves mis en cause pour harcèlement. Enfin, l’enquête administrative annoncée par Pap Ndiaye le 13 janvier 2023 avait finalement été enterrée en toute discrétion. Qui avait pris cette décision ? Et pourquoi ? Pap Ndiaye, Gabriel Attal, Amélie Oudéa-Castéra, tous passés par le ministère de l’éducation, et maintenant Nicole Belloubet, refusent de livrer la moindre explication.  D’après nos informations, confirmées par le ministère de l’éducation, Nicole Belloubet a profité de ce rendez-vous pour annoncer qu’elle déclenchait une inspection au sein du collège où était scolarisé Lucas. Plus d’un an après son suicide. La mère se dit toutefois « satisfaite » de son entretien. « Nous avons apprécié le temps et l’écoute de la ministre et nous attendons la suite pour savoir si les promesses seront tenues », explique Catherine Faivre, l’avocate de Séverine, qui n’a pas souhaité faire davantage de commentaires. Mais cette nouvelle avancée intervient après des mois de silence et de mensonges. En février dernier, Séverine interpelait de nouveau le gouvernement et dénonçait l’attitude « abominable » de Gabriel Attal sur le sujet. Dans la foulée, Mediapart avait saisi la Commission d’accès aux documents administratifs (Cada) pour exiger du gouvernement qu’il divulgue l’ensemble des e-mails et documents évoquant le lancement et l’abandon de cette enquête administrative. « Avis favorable », a répondu la commission dans une décision rendue le 18 avril dernier.  Extrait de l’avis de la Commission d’accès aux documents administratifs qui répond favorablement à la demande de documents sur l’enquête administrative. © Document Mediapart Relancé pour obtenir la communication de ces documents, le cabinet de Nicole Belloubet refuse de se soumettre à cet avis et se réfugie encore une fois dans le silence. C’est inédit. En plus de ne pas donner suite à nos sollicitations (dix-neuf depuis cinq mois), le ministère de l’éducation nationale et le premier ministre ignorent aussi les sollicitations de l’AFP et du journal Têtu.  © Mediapart Si le gouvernement refuse de s’exprimer publiquement, Gabriel Attal a tout de même brisé le silence, en catimini, le 1er mars dernier. Ce jour-là, le tout récent premier ministre se déplace à Épinal pour visiter une agence France Travail.  « Un peu bizarre » Ignorée par le gouvernement, Séverine décide de se rendre devant les locaux et fait le pied de grue pendant des heures pour tenter de l’interpeller. Elle est d’abord refoulée par le service d’ordre avant que Gabriel Attal accepte finalement de s’entretenir avec elle pendant une dizaine de minutes. En plus de la jeune femme et de ses deux enfants, plusieurs personnes assistent à cet échange, et un compte rendu, que s’est procuré Mediapart, est rédigé dans la foulée. Pour la première fois, l’ex-ministre de l’éducation nationale reconnaît que l’enquête administrative n’a jamais existé.  « Quand il y a eu le drame et la mort de Lucas, Pap Ndiaye, mon prédécesseur, avait annoncé une enquête administrative. Quand Mediapart nous interroge, je découvre qu’il l’avait annoncée mais qu’elle n’a jamais été lancée, explique Gabriel Attal à Séverine, dans cet échange censé rester privé. Ce que les services m’ont dit, c’est qu’à l’époque, le ministre avait annoncé ça. Mais derrière, les services ont dit, comme il y a une enquête judiciaire, on va attendre qu’elle soit terminée pour lancer l’enquête administrative. Je vous le dis très directement, c’est un peu bizarre. » Une journée pour Lucas et des chiffres alarmants À l’occasion du 17 mai, journée mondiale de lutte contre les LGBTphobies, plusieurs associations et député·es ont prévu de se réunir autour de Séverine, la mère de Lucas, pour « construire une proposition de loi visant à lutter contre les LGBTphobies en milieu scolaire et toutes formes de harcèlement ».  Les violences et le harcèlement scolaire LGBTphobes ont en effet considérablement augmenté en Europe et en particulier en France, selon un rapport de l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne publié le 14 mai. Plus des deux tiers des personnes LGBTI+ ont été victimes de harcèlement à l’école, dans tous les pays de l’UE. En France, 71 % déclarent avoir déjà été victimes de harcèlement.  Dans le même temps, SOS homophobie a dévoilé son rapport annuel et recense pour l’année 2023, 2 377 cas de LGBTIphobies reçus par l’association via ses dispositifs d’écoute et de soutien aux victimes, dont 266 agressions physiques, une augmentation de plus de 40 % par rapport à 2022. L’association dénombre notamment 21 % d’agressions transphobes et 8 % de guets-apens homophobes.  De son côté, les statistiques révélees par le ministère de l’intérieur sont tout aussi inquiétantes et montrent une hausse des atteintes envers les personnes LGBTQI+ de 13 % par rapport à 2022. Au total, 2 870 crimes ou délits LGBTphobes et 1 690 contraventions ont été enregistrés en 2023 par les forces de l’ordre, soit 4 560 infractions. Les crimes et délits ont augmenté de 19 %. Lire la suite Une enquête administrative n’a pourtant pas à être liée à une quelconque procédure judiciaire et n’a pas le même objectif. Dans cette affaire, elle aurait permis de comprendre pourquoi des alertes ont été ignorées, pourquoi le protocole de lutte contre le harcèlement scolaire n’a pas été appliqué, pourquoi le chef d’établissement a pu défendre en interne des élèves accusés de harcèlement. Et de donner lieu à d’éventuelles sanctions administratives.  À lire aussi Suicide de Lucas, 13 ans : révélations sur une enquête totalement bâclée « Gabriel Attal s’en fout » : la colère de la mère de Lucas, victime de harcèlement scolaire Mais pour quelle raison cacher cette explication depuis plus d’un an ? « Mediapart nous interrogeait, objectivement c’était aussi compliqué pour moi, poursuit le premier ministre. Je ne voulais pas donner l’impression que je chargeais mon prédécesseur en disant qu’il a mal fait son travail », détaille-t-il lors de cet échange. Et d’insister auprès de Séverine : « Je vous devais cette explication. Quand vous avez un ministre qui dit qu’il y a une enquête et que derrière il n’y en a pas, c’est incompréhensible. Encore une fois, cela m’a mis dans une position délicate vis-à-vis de mon prédécesseur. » Contacté par Mediapart pour en savoir plus sur la réalité de ces accusations, Pap Ndiaye n’a pas souhaité donné suite.  « Je vous le dis très directement et je le dirai si je suis interrogé : c’est pas normal qu’il n’y ait pas eu d’enquête administrative à l’époque », insistait aussi Gabriel Attal le 1er mars, avant de révéler avoir lancé une nouvelle procédure : « Ce que j’ai demandé, là, c’est qu’on puisse lancer l’enquête administrative. »  Un nouvelle promesse non tenue puisque, sollicité une vingtième de fois par Mediapart, Gabriel Attal, qui jurait de parler s’il était interrogé, refuse toujours de s’exprimer. Et l’enquête, qu’il avait annoncée en mars, vient seulement d’être relancée.  Offrir l’article Suicide de Lucas, 13 ans : révélations sur une enquête totalement bâclée Par David Perrotin « Gabriel Attal s’en fout » : la colère de la mère de Lucas, victime de harcèlement scolaire Par Bérénice Gabriel et David Perrotin Commenter

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